Nous sommes tous…
Le travail de Céline Cadaureille, en dépit des apparences, n’a rien de surréaliste. Tout est à l’inverse radicalement existentiel. Les corps sont emprisonnés dans différents huis clos en noir, en blanc ou encore couleur sang. L’enfer n’est pas seulement les autres. Il est à l’intérieur de nous. Si bien que la jeune artiste pourrait faire sienne et afin d’illustrer son œuvre la confidence de Louis Bourgeois : « Personne à blâmer sinon soi. On donne pour reprendre, on laisse à entendre pour mieux décevoir. On s’en lave les mains. On s’endort la tête dans le sable. On travaille pour oublier, on ment, on ment ».
Tout est dit. L’œuvre rappelle la menace et la vulnérabilité. Rien de naïf mais des images carcérales ou ligaturées. Paradoxalement elles libèrent l’esprit sans la moindre concession au romantisme. L’œuvre avance «armée » dans la multiplicité de particules élémentaires chères à Houellebecq, de gravats, de bourres et de cellules. L’ensemble dégage néanmoins un certain érotisme dont le mécanisme d’attraction fonctionne à l’envers : à savoir non lorsque le corps est nu mais quand il est recouvert.
Refusant tout effet de sublimation – ce qui n’empêche pas l’impeccabilité – l’artiste crée une œuvre de défi et de challenge constant face aux lois des hommes. L’artiste ne leur fait pas de cadeaux. Elle se sert de l’art et de l’humour contre la mort et le drame. C’est l’affranchie. D’un côté il y a la sans peur, de l’autre celle qui tremble. Pour autant il n’existe pas là de schize. La tâche de l’artiste est de se concentrer sur ce qui terrasse et tue pour aller à l’essentiel. Créer revient à se dépasser en déplaçant les limites du voir et du faire dans la faculté à dire non.
Jean-Paul Gavard-Perret
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